PICTURES SEEMED NOT TO KNOW HOW TO BEHAVE, Quentin Lefranc feat. Benjamin COLLET


Gelerie Jérôme Pauchant
5 septembre – 10 october 2015

Observons d’abord chacune des pièces de Quentin Lefranc de manière isolée. Tous les éléments du tableau sont là. Toiles libres, bois, châssis bruts ou peints, signes graphiques, autant de prétextes pour décliner les arrangements de formes primaires et de couleurs monochromes, sur ou à partir des supports. Ces supports sont comme des citations raisonnées. Outre l’aspect esthétique, l’artiste est attentif « à ce qui est déjà là », aux œuvres inscrites dans notre culture visuelle, qui persistent aussi parce qu’elles revendiquent une posture, un engagement artistique. Les quatre bandes noires du logo du groupe punk Black Flag représentent une insurrection musicale. L’évocation de Jean-Baptiste Greuze rappelle le poids de la hiérarchie des genres de la peinture académique. La Berlin Chair incarne la recherche formes/fonctions de l’art du mouvement De Stijl. L’intention n’est pas de faire une nouvelle version de ces pièces, mais plutôt de déchiffrer le chemin tracé par ces originaux, de les étudier pour en comprendre les cadres structurants comme les failles, et proposer de nouvelles narrations plastiques. Que le point de départ soit une pochette de vinyle, un tableau de maître ou une pièce de design, tous expérimentent la substance et la composition de ces symboles mis à plat et réorganisés. L’artiste ne conserve que la structure intrinsèque de l’objet d’origine – devenu une simple image – afin de rejouer son histoire collective, sa mise en place dans un certain espace, les déplacements de ses formes et couleurs comme des plans qui permettent d’éprouver le volume matériel de la peinture, quittant le mur pour se déployer dans l’espace d’exposition.
Observons ensuite «Pictures seemed no to know how to behave » dans sa globalité. En réduisant l’œuvre à l’une de ses dimensions d’image,
Quentin Lefranc pointe également la question de la relation entre une œuvre et son exposition. Comme beaucoup d’installations in situ, ce questionnement de la peinture pose la limite entre l’œuvre et son accrochage, devenus indissociables ainsi superposés. Là, les œuvres ne se voient plus seulement comme des unités, mais comme un ensemble éclaté d’objets de nature et de milieu hétérogènes, rassemblés par le parcours d’exposition pour construire une zone d’activité. Depuis la rue, la vitrine de la galerie offre une nouvelle topographie de ces dispositifs picturaux. La salle est conçue avec des formes et des matériaux élémentaires. L’architecture, la sculpture et la peinture sont unifiées. Des surfaces planes sont répandues sur le mur, d’autres gisent au sol, d’autres volumes sont déposés contre les cloisons. L’exposition est une nouvelle fiction de la plasticité, une proposition à part entière qui fonctionne comme un tableau, dans le même ordre que la composition des formes est placée sur la surface plane d’une toile. A l’intérieur, le spectateur est invité à évoluer entre ces différents plans, la scénographie visant à organiser le va-et-vient constant entre cet éparpillement des formes et leur cohabitation. En suivant ce chemin, peut-être arriverons-nous à discerner la question immatérielle que Quentin Lefranc cherche finalement à rendre visible : si l’œuvre est réduite, à un moment donné, à n’être qu’une image, à quel moment apparait-elle/ disparait-elle en tant qu’œuvre ?
Il s’agit maintenant de brouiller encore plus les pistes des références, de “les faire muter, de la comparer à d’autres structures” en proposant la main à un autre. L’intervention de l’artiste Benjamin Collet, disséminée à son tour à partir de ses propres codes, agit comme une ritournelle. «Ce qu’on a fait, c’est juste prendre un truc qui passait, le mettre en pièces et le restructurer à 180° de ce qu’il était. Simplement prendre tout ce qui est ignoré et le mettre en relief pour faire naître une réflexion. Brouiller toutes les hypothèses, tous les acquis, toutes les satisfactions.»1 Ponctuation ? Perturbation ? Singulier pas de côté ? Appelé en featuring, il ouvre et ferme l’exposition par une forme de lapsus qui agit à son tour comme un glissement sémantique vers une autre manière de faire des images.
En même temps qu’il questionne la peinture, Quentin Lefranc tente de définir ce que pourrait être une valeur d’exposition, dans le même but. Les deux approches consistent à s’interroger sur les transformations que l’œuvre d’art subit successivement au cours de ses multiples formulations, et sur ce qui se joue, de la perte ou de la résistance des images, entre ces déplacements.
1. Gerald Casale du groupe DEVO.
Cécile Welker

Let us focus first on each of Quentin Lefranc’s pieces, one by one. All the elements of a painting are here. Hanging canvases, wood, raw or painted stretchers, graphic signs, so many reasons to explore a wide range of primary forms and monochromes, on or from materials. These materials are like well- reasoned quotes. Beyond aesthetic aspects, the artist cares for what already exists, the artworks already present in our visual culture, that remain also because they represent a position and an artistic commitment. The four black stripes’ logo from the punk band Black Flag is synonym to musical rebellion. Mentioning Jean-Baptiste Greuze is a reminder of the weight of hierarchy of genres in academic painting. The Berlin Chair embodies the research of forms/functions of De Stijl movement. This is not about creating a new version of them, but rather to decipher the path written by the original ones, to study them and understand the structuring limits such as flaws, and to offer new visual narratives. Starting from a record sleeve, a master painting or a designer’s piece, all are subject to the symbols’ substance and composition experiment, laid bare and reorganized. The artist only keeps the inherent structure of the original object, now a simple image, in order to recount again its communal history, its layout in a specific space, its moving forms and colors like plans that allow to feel the material volume of a painting, abandoning the wall to unfurl within the exhibition space.
Let us focus now on “Pictures seemed not to know how to behave” as a whole. By reducing the work to one of its image’s scale, Quentin Lefranc also questions the relationship between an artwork and its exhibition. As many in situ installations, this kind of concern points out that the work and its hanging have become indivisible by superimposition. Here, the artworks are not seen as units anymore, but as an ensemble of dispersed objects from various provenances, brought together by the exhibition’s journey in order to create an activity area. From the street, the gallery’s window offers a new topography of these pictorial elements. The space is made of basic forms and materials. Architecture, sculpture and painting are unitized. Flat surfaces are spread on the wall, others on the floor, other volumes are arranged on partition walls. The exhibition becomes a fiction of aesthetics, a proposition as a whole acting as a painting, such as the composition of a painting would be arranged. Once inside, the viewer is invited to wander in these different plans, the scenery is organizing a constant back and forth between the scatterings of shapes and their coexistence. Following this path, we may perceive the immaterial question that Quentin Lefranc tries to make visible: if the artwork is reduced to be at some point only an image, when does it appear as an artwork/when does it cease to be one?
The viewer’s references become even more disrupted when Benjamin Collet is asked to interfere and to transform them, to compare them to other structures. The artist’s intervention, also spread according to his own codes, acts like a refrain. “What we did was only to take something that passed along, smash it to pieces and restructure it the opposite way to what it originally was. Simply taking what is ignored and highlighting it to provoke reflection. All the hypothesis, all the assets, all the satisfactions are blurred.”1 Punctuation mark? Disruption? A singular side step? Asked to feature in the show, Benjamin Collet opens and closes the exhibition like a Freudian slip, acting as a semantic drift towards another possible way of making images.
While he questions painting, Quentin Lefranc also attempts to define what would be the exhibition’s values. Both methods try to understand the transformations an artwork goes through, successively during its multiple formulations, and to what is at stake, the loss or the resistance of the images between these shifts.
1. Gerald Casale from the band DEVO
Cécile Welker

Crédit photo : Molly SJ Lowe