Les parenthèses
Esquisser une proposition pour un open space est une situation singulière dans mes recherches et le geste implique d’autres contraintes qu’une sculpture déposée dans l’enclos du white cube. Comment saisir ce qui peut se passer au sein du contexte spécifique de l’entreprise et venir accompagner les activités des collaborateurs qui y travaillent ?
Les Parenthèses est un ensemble de cinq cloisons en tôle inox perforée polie-miroir. Chacune, par sa forme, joue comme encadrement ouvert et découpe l’open space. Ainsi la proposition contraint l’espace et dessine de nouveaux parcours dans le lieu. Elle fonctionne en miroir des déplacements, des postures. Elle provoque des espacements, marque des intervalles, crée des endroits où l’on s’arrête, se cache, traverse, vit.
Je voulais que le principe du dispositif soit étroitement lié au fonctionnement du lieu qui fait exister l’œuvre. Elle encadre chacun des collaborateurs afin de singulariser leurs activités au sein d’un ensemble indissociable. Chacun existe, circule, travaille et remplit la fonction qui est la sienne. Néanmoins, ses acteurs ne sont pas circonscrits par la proposition. Les Parenthèses créent des espaces ouverts, perméables et connectés. Cette manière d’organiser l’espace est une tentative pour saisir la complexité de l’ensemble des interrelations fonctionnelles entre les individus. Je préfère regarder la mélodie dans son ensemble que d’observer sa partition note par note. Ce qui se passe entre chacun des acteurs du lieu a autant d’importance que la spécificité de leurs activités. C’est de cette manière que le collectif peut apparaître, s’exprimer. La proposition fonctionne à l’image de l’office. Elle transforme la scène qu’est l’open space en un théâtre dans lequel chacun, plan par plan, joue sa propre scène et apporte sa pierre à l’édifice. Chaque Parenthèse n’existe qu’en regard des intervalles qu’elle dessine avec les autres éléments du dispositif.
Le matériau lui-même joue ce prolongement. Il reflète les activités des personnes qui y demeurent et propose, à travers ces perforations, une transparence. Cela constitue un paradoxe en montrant à la fois ce qui est derrière et devant. Sur ces parois-écrans, les reflets glissent avec le temps qui s’écoule à la manière d’une image fantôme en perpétuel mouvement. À la fois reflet et contrainte, le système optique n’enregistre jamais ce qu’il perçoit pour mieux s’ancrer dans le lieu avec lequel il vit.
Nous verrons, si à terme, certains comportements évoluront avec l’œuvre. L’enjeu de la sculpture est d’être avec, et non d’imposer un système. L’histoire de l’œuvre s’écrira avec les personnes qui l’occuperont. Chaque jour sera un nouveau temps d’expérimentation. Je préfère placer l’art au cœur de la vie, dans un lieu où les préoccupations sont au delà de la contemplation.